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Cet e-mail est destiné aux 61 pionniers.
Salut à tous,
Après 4 mois de travail, je suis enfin arrivé à ce moment que j’attendais tant.
C’était l’un des premiers objectifs que je m’étais fixé pour cette année 2021. Pour y parvenir, je me suis échiné à la tâche tous les jours depuis le lancement du Club des Pionniers.
Sans aucune exagération, ce sujet m’a obsédé nuit et jour.
Mais aujourd’hui, me voilà capable de répondre à un interlocuteur quand il clame que l’avenir se pare d’hydrogène. Je peux aussi me positionner face à un journaliste qui vante les mérites des supercondensateurs. Et je ne m’efface plus quand j’entends parler de sodium-ion.
Car maintenant, j’ai étudié toutes ces technologies.
Et je l’ai fait aussi densément et rigoureusement que possible. Ce qui vous a valu de voir passer les articles sur les batteries lithium-ion, sur les supercondensateurs et sur les piles à combustible, dans lesquels j’ai résumé mes recherches.
Il ne manquait qu’à étudier le quatrième mousquetaire des solutions de stockage à destination de la mobilité électrique pour avoir un tableau complet en face de moi.
C’est chose faite.
J’ai terminé la semaine dernière mes études consacrées au sodium-ion, le fameux dernier mousquetaire.
Mais si j’ai écrit ces articles, ce n’est pas seulement pour apparaître sur Google en dessous de requêtes très recherchées.
(Même si objectivement, je ne refuse pas une place dorée en haut des résultats Google, qui pourrait nous faire connaître à 10 000 nouvelles personnes par mois grâce à ces articles.)
Non, la raison pour laquelle j’ai écrit ces articles réside dans ma mémoire lacunaire.
Car il faut le dire, j’ai une mémoire très chaotique. Si bien qu’en commençant mes recherches sur les batteries lithium-ion en janvier, je savais que lorsque mes recherches sur les batteries sodium-ion seraient terminées 4 mois plus tard, j’aurais tout oublié de mes conclusions de janvier.
C’est exactement ce qui s’est produit.
En mettant le point final à mes recherches sur le quatrième mousquetaire, je ne savais plus trop précisément ce qui faisait l’intérêt des batteries lithium-ion. Et je ne me souvenais pas non plus très bien de mes conclusions sur les piles à combustible et sur les supercondensateurs.
Alors j’ai relu tous ces articles.
Je les ai relus de la première à la dernière lettre, me félicitant d’avoir donné tout ce que je pouvais. Car après cette lecture — dont la longueur équivaut à un livre de 150 pages — j’avais toutes les armes nécessaires pour passer à la dernière étape.
Cette dernière étape, c’est celle que j’ai présentée lors du rassemblement de ce mercredi.
C’est l’étape durant laquelle on rassemble toutes les informations qu’on a pu trouver lors de nos recherches. Et on le fait dans le seul but de répondre à la question la plus importante de mon année 2021 :
Quelle est la technologie de stockage électrique que nous devons intégrer à notre premier prototype ?
Autrement dit, 4 mois de travail intense et migraineux doivent maintenant se rassembler en une décision précise et condensée. Comme le parfumeur va distiller mille ingrédients pour produire une goutte d’essence aromatique, le moment est venu pour nous de sublimer nos recherches laborieuses.
Comment faire ?
Très simplement.
Quand le parfumeur utilise sa colonne de distillation et que le peintre se munit de sa palette pour inventer de nouvelles couleurs, je me suis doté de mon outil préféré : Excel.
Un Excel pour tout rassembler
Pour parvenir à choisir la technologie de stockage qui équipera notre moto électrique, Excel m’a été d’un secours inespéré.
Car cet outil — que d’aucuns trouvent aride — est le plus proche équivalent d’une toile blanche de peintre. Il permet, en y mettant les bons ingrédients, d’ériger devant nos yeux un tableau complexe et riche afin de prendre une décision en connaissance de cause.
Les ingrédients, ce sont ceux que j’ai pu trouver lors de mes recherches. Ils portent les noms suivants :
Densité énergétique ;
Densité de puissance ;
Prix des cellules ;
Potentiel de changement climatique ;
Potentiel de toxicité humaine ;
Etc.
Mon idée a alors été de remarquer que ces ingrédients pouvaient s’ordonner selon une certaine grille de lecture. La même que j’utilise depuis le début de mes recherches sur les motos électriques.
Cette grille de lecture, vous finissez par la connaître par cœur.
Elle consiste à reconnaître qu’une moto électrique doit répondre à 5 contraintes principales :
Des contraintes de performances ;
De réponse à un usage ;
De design ;
De prix ;
Et d’impact environnemental.
Et comme la technologie de stockage appartient à la moto électrique, elle doit elle aussi satisfaire ces contraintes.
(Hormis la contrainte de design, très peu impactée par le stockage électrique.)
Il ne me restait alors plus qu’à ordonner tout ça sur un Excel pour voir le précieux tableau se dresser.
Et voici ce que j’ai vu apparaître.
Les batteries lithium-ion NMC et NCA dominent presque tout
Les batteries lithium-ion NMC et NCA sont celles qui sont utilisées dans plus de 99% des véhicules électriques.
Et ce n’est vraiment pas un hasard. Car ce sont elles qui rassemblent le meilleur compromis entre densité énergétique et densité de puissance.
(Densité énergétique : 256 Wh/kg pour le NMC, 284 Wh/kg pour le NCA — Densité de puissance : 2,25 kW/kg pour les deux.)
Cette prouesse leur vaut d’être à la fois la réponse la plus pertinente en autonomie (permise par leur densité énergétique) et en temps de recharge (permis par leur densité de puissance).
Les autres solutions — les batteries lithium-ion LFP, les supercondensateurs et les batteries sodium-ion — affichent quant à elles :
soit une densité énergétique 2x inférieure,
soit une défaillance incroyable dans cette même densité énergétique (les supercondensateurs).
Et la palme de la déception revient à la pile à combustible — pour laquelle personne ne s’est jamais donné le mal de donner des informations pertinentes à ce sujet.
Autrement dit, les chimies NMC et NCA remportent l’axe des performances.
Mais elles ne s’en contentent pas.
Car ces performances ouvrent la porte à une autre victoire : celle de la réponse aux usages de la mobilité électrique.
À l’inverse des autres technologies, elles garantissent en effet la meilleure tranquillité d’esprit.
Il faut dire que l’expérience de la pile à combustible est tronquée par un réseau de recharge famélique, et que les supercondensateurs n’arrivent pas encore à la cheville de ces batteries.
Les batteries lithium-ion LFP et les batteries sodium-ion, à l’inverse, ne sont pas nécessairement ridicules. Mais leurs performances modestes les contraignent à se limiter à la mobilité légère.
Et ce n’est pas fini.
Les batteries NMC et NCA achèvent leur outrageuse domination avec un prix par kWh inférieur à toute la concurrence.
(168 €/kWh contre 223 € pour le sodium-ion, 229 € pour le LFP et 8183 € pour les supercondensateurs.)
Alors quoi ?
Est-ce que cette supériorité doit nous forcer à considérer les batteries lithium-ion NMC et NCA comme horizon indépassable de la conception d’un véhicule électrique ?
Est-ce que nous devons nous résoudre à les intégrer à notre premier prototype ?
Pas si sûr.
Car je n’ai évoqué que 3 axes de ma grille de lecture :
Performances ;
Usage ;
Prix.
Il manque donc le dernier axe, celui de l’impact environnemental. Et celui-là, vous le savez, est infiniment important à mes yeux.
L’impact environnemental peut tout changer
J’écris cet e-mail samedi. Un jour avant que vous le receviez.
Plus précisément, je réécris cet e-mail.
Car j’en avais écrit une première version, dans laquelle je décrivais très précisément toute mon analyse comparative des différentes technologies de stockage.
Et je présentais mes conclusions — les mêmes que celles que j’ai présentées lors du dernier rassemblement du Club des Pionniers.
Mais cet e-mail était illisible.
Trop de détails, pas assez de fluidité, il n’était qu’une lecture d’un tableau Excel. Vous envoyer ça en guise de compte-rendu était impensable.
Alors j’ai pris une décision.
Cette décision, c’est de diviser la première version de cet e-mail en 3 éditions :
Aujourd’hui, je vous introduis les enjeux et je vous présente les résultats en vue aérienne (de loin donc).
Dimanche prochain, je vous expliquerai pourquoi la chimie LFP et la batterie sodium-ion me semblent les meilleures candidates pour notre premier prototype (malgré la domination des chimies NMC et NCA).
Et dans quelques semaines, je vais publier un article dans lequel je partagerai tous les résultats, en détails et en chiffres.
Il me semble d’ailleurs que consacrer 3 publications à cette question infiniment cruciale de la batterie de notre moto électrique n’est pas disproportionné.
De cette manière, je vous épargne l’indigestion pour ce dimanche matin.
Et je vous laisse aussi l’opportunité de vous exprimer à chacune des étapes. Rien n’est figé en ce bas monde, et votre avis peut tout changer.
(Pour donner votre avis, il vous suffit de répondre en commentaires — ou de cliquer sur ce lien.)
Il ne me reste plus qu’à revenir à ce que je disais dans la partie précédente.
La suite logique, c’est que je vous présente les résultats de l’axe de l’impact environnemental. Et oui, ce sont bien les batteries lithium-ion LFP et sodium-ion qui affichent l’empreinte écologique la plus faible.
Nous verrons dimanche prochain que ça leur offre une belle balle de match.
Bon dimanche,
Julien