Temps de lecture : 9 minutes.
Ce rapport hebdomadaire est destiné aux 202 pionniers.
Salut à tous,
Jeudi 16 décembre 2021.
Je souhaite à mes collègues de bureau un bon week-end en plein milieu de l’après-midi. Face à leurs regards médusés, je leur explique que j’ai pris un jour de congé et que je dois me presser pour attraper le train Intercités de 16h35.
Ma destination : Vierzon.
C’est loin de Toulouse, mais l’Intercités est censé franchir cette distance en 5 heures. C’est raisonnable.
D’autant que depuis quelques semaines, la WiFi a été installée à bord de ces trains, qui deviennent ainsi de plus en plus compétitifs. N’ayant pas encore écrit le rapport hebdomadaire du dimanche, j’ai donc de quoi occuper mes 5 heures de trajet. Et j’ai espoir que la WiFi sera suffisamment performante pour que cet Intercités soit un bureau décent.
Quelle erreur de jugement.
Car 3 heures après avoir embarqué — et alors que j’avais fini depuis longtemps la rédaction du rapport hebdomadaire que je devais vous envoyer — mon train s’est arrêté en plein milieu de nulle part.
Pendant 2 heures.
Or vous avez sans doute déjà goûté à la WiFi de la SNCF.
Donc vous savez autant que moi qu’elle est fragile. Et vous savez que sa fragilité est directement corrélée à la localisation du train : dans une métropole, la WiFi est excellente — mais en plein cœur de la diagonale du vide, la WiFi ne tient qu’à un fil.
Autant dire que j’ai subi ces 2 heures de pause d’un vide abyssal.
Mais si j’ai râlé que la SNCF démontre une fois de plus qu’elle n’est pas exactement un chantre de la ponctualité, j’ai toutefois gardé mon excellente humeur.
Et pour cause : mon voyage à Vierzon était l’occasion de rencontrer pour la première fois notre partenaire industriel.
Celui qui allait nous fournir en modules de Renault Zoé en fin de première vie.
Voici Indra Automobile Recycling
Si je vous fais ce récit de mon périple contrarié vers cette ville que je ne connaissais que de nom, c’est parce que nous avons enfin le droit de dévoiler le nom de ce partenaire industriel.
Nous avons obtenu ce droit tout dernièrement, quand nous sommes revenus vers eux pour récupérer de nouveaux modules de batteries. Nous leur avons proposé un bilan d’avancement, et ils nous ont assuré qu’ils se projetaient sur un partenariat de long terme.
Alors voilà, nous pouvons enfin le dire : ce partenaire industriel secret s’appelle Indra Automobile Recycling.
C’est une entreprise qui appartient à 50% à Renault, et à 50% à Suez.
Son modèle :
Avoir rassemblé un réseau de 370 centres VHU (“Véhicules Hors d’Usage”, des épavistes donc) partout en France, soit le quart des centres VHU de notre territoire ;
Pour revaloriser autant que possible les véhicules en fin de première vie, avec un objectif ambitieux d’une revalorisation de 95% de la masse de ces véhicules.
En termes plus graphiques, voilà comment ils s’intègrent dans le cycle de vie d’un véhicule :
Autrement dit, quand on veut s’appuyer sur la réutilisation de modules de Renault Zoé en fin de première vie, c’est bien avec Indra qu’on doit s’associer.
Mieux : quand on veut participer à l’économie circulaire automobile, c’est surtout avec Indra qu’il faut s’associer. Car d’après leur site, ils représentent 38,2% du marché du recyclage en France.
Et comme vous pouvez le voir sur l’illustration précédente, les pistes de partenariats ne se limitent pas aux modules de batterie :
On peut imaginer trouver d’autres pièces de réemploi pour équiper nos motos électriques (par exemple, pourquoi ne pas réutiliser des jantes de motos en fin de vie ?) ;
Et on peut aussi exploiter leur filière de matières premières secondaires, comme l’aluminium des moteurs thermiques qui est broyé par les partenaires d’Indra et qui devient une matière première idéale pour la fonderie.
En somme, Indra Automobile Recycling est un partenaire de choix.
Et ce, tant sur le plan industriel que sur le plan de la communication, puisqu’ils ont des relations que nous n’avons pas (notamment auprès de journaux ou de salons).
Nous sommes donc soulagés et fiers de pouvoir officialiser ce partenariat, qui devrait propulser ce projet à des endroits inespérés.
5 heures de discussion
A l’arrivée de mon périple déplaisant en train, Jean-Baptiste et Hans m’attendaient.
Hans avait fait le déplacement depuis Paris et J-B (vous savez, mon copain d’école d’ingénieur qui a usiné certaines pièces de notre preuve de concept) habitait dans le coin et nous hébergeait.
Ils m’attendaient dans le froid typique de la région, aussi désolés que moi des déboires ferroviaires français.
Nous avons cherché de quoi manger ,puis nous sommes rentrés chez J-B pour nous reposer avant une journée qui s’annonçait chargée : Nicolas, le responsable de la recherche et développement, avait verrouillé un créneau de plus de 5 heures de réunion.
Autant dire que nous ne savions pas vraiment à quoi s’attendre.
Une courte nuit plus tard, nous avons pris la route au petit matin pour retrouver Nicolas à l’usine mère d’Indra. Et notre arrivée sur place nous a rendus encore plus incrédules que la veille.
Le lieu ressemblait en effet à une immense casse en plein air, avec des centaines de voitures entreposées sur plusieurs parkings répartis autour de 3 grands bâtiments en tôle ondulée.
C’est le genre de paysage qui rend humble.
Car si on pouvait s’attendre à ça, la superficie du lieu a été un rappel brutal qu’ils ne nous avaient pas attendus pour être ce qu’ils étaient. Nous nous sommes alors garés en silence, en cherchant du regard les quelques Zoé dans cette grande masse de voitures.
Notre première mission : trouver Nicolas, dans cette fourmilière.
Ça n’a pas été sans peine, mais nous avons fini par le trouver dans l’un de 3 bâtiments du site. Comme tout responsable de l’ingénierie qui se respecte, il était en train de travailler avec ses équipes — et il nous avait déjà oubliés.
Nous l’avons donc patiemment attendu, le temps qu’il finisse la tâche qu’il avait entamée. Il nous a ensuite rejoints, nous a fait la traditionnelle visite de l’usine, et s’est ensuite enfermé avec nous dans un salle de réunion.
C’était donc notre deuxième mission : survivre à 5 heures d’interrogatoire.
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’était pas encore convaincu.
Mais c’est à juste titre. Car des projets de startups, il en a vu passer une paire avec Indra. Et comme il nous l’avouera plus tard, absolument toutes les startups qui l’ont contacté ont échoué.
Ces 5 heures de discussions musclées avaient donc sans aucun doute pour objectif de nous tester. Il voulait s’assurer que nous étions effectivement crédibles, et que nous n’allions ni entacher leur image, ni leur faire perdre du temps.
Il nous a donc cuisinés, à toutes les sauces :
Il a questionné absolument tous nos choix de conception (“Pourquoi une équivalente 125 ? Quelle autonomie ? Quel poids ? Quel prix ? Quel moteur ?”) ;
Il nous a fait comprendre qu’il n’allait pas nous faire de cadeaux et qu’on devrait démontrer notre compétence pour qu’il nous fasse confiance (“Nous vendrons nos modules aux mieux offrants.”) ;
Et il nous a vivement conseillé de ne pas ternir leur réputation par une potentielle bévue (“J’aimerais que nous ne nous citiez pas pour le moment.”).
Si bien que quand nous sommes sortis de cette très longue réunion, nous étions à la fois épuisés et déstabilisés. Indra nous avait effectivement fourni les modules dont nous avions besoin, mais ses responsables ont bien précisé que nous allions devoir les convaincre.
1 an plus tard, soulagement
Nous sommes donc repartis de l’usine dans le même silence que celui dans lequel nous étions arrivés. Un silence inquiet, doublé d’une fatigue physique inévitable après ce genre d’exercice.
Mais aujourd’hui, après presque 365 jours de travail acharné, nous voilà soulagés.
Ce même Nicolas nous a assuré sa confiance, et je crois qu’il est maintenant convaincu par ce qu’il a vu. Je vais donc récupérer de nouveaux modules dans les prochains jours, pour remplacer ceux que j’ai cassés.
Et nous allons bientôt pouvoir déployer notre plan de communication pour annoncer la sortie future notre preuve de concept, en officialisant ce partenariat industriel majeur.
Car c’est désormais acté : Indra sera bien le fournisseur des batteries de Ambre.
Il reste encore quelques étapes avant de parvenir à cette annonce. Mais cette autorisation délivrée par Indra pour officialiser ce partenariat était nécessaire.
Maintenant, c’est chose faite.
Célébrons cette victoire quelques instants, et remettons-nous au travail. Car ce n’est pas le moment de réduire la voilure, à quelques encablures du cap que nous nous sommes fixés.
Bon dimanche,
Julien
Superbe !! Bien joué :).
Qu'est ce qui les a alors décidé d'officialiser le partenariat ? Tu leur avais montré des images de notre preuve de concept ? La création de Ambre Tech ?
En tout cas 🎉🤙