Les modules de batterie ont grossi
Une mauvaise nouvelle, qui pourrait devenir une belle opportunité
Temps de lecture : 10 minutes.
Ce rapport hebdomadaire est destiné aux 211 pionniers.
Salut à tous,
Il y a deux semaines, j’ai reçu la visite de Paolo.
Paolo, c’est un membre du Club des Pionniers avec qui on se creuse la tête en ce moment sur les premiers traits du prototype industriel. Étant designer dans le monde automobile, il nous a proposé sa précieuse aide que nous n’avons pas refusée.
L’objet de sa visite était donc directement liée aux fréquents échanges que nous avons eus sur les derniers mois, puisqu’il est venu à Toulouse pour nous livrer la première version de notre prototype industriel.
C’est une version en mousse et en bois, dont le but est d’abord de matérialiser les prémisses d’une étude “design” de notre prototype, et ensuite de commencer une étude ergonomique (pour valider la position de conduite).
Notre atelier est donc dorénavant habité par 2 motos :

Mais la livraison de ce prototype ergonomique n’a pas été le seul motif de sa venue.
Car non content de nous avoir aidés incommensurablement sur le dessin des premiers traits du prototype, il nous a rendu un autre service non moindre.
Il a en effet eu l’immense gentillesse de se rendre à Vierzon chez Indra (alors qu’il habite à Lyon) pour récupérer les modules de Renault Zoé en fin de première vie que je n’arrivais pas à aller chercher, par manque de temps.
Grâce à lui, 8 nouveaux modules patientent donc dans mon atelier.
Vous ne serez pas surpris d’apprendre que je suis soulagé d’avoir enfin reçu ces modules, puisque leur absence était un sacré coup de frein dans l’avancée de notre preuve de concept.
Mais le soulagement n’est pas la seule émotion que je ressens à l’évocation de la livraison de ces modules. Car ils ont été livrés avec une surprise, qui m’a laissé pantois.
Une surprise de taille.
Littéralement.
Les modules ont grandi
J’ai immédiatement senti que quelque chose ne tournait pas rond.
Dès que j’ai sorti le premier module de la voiture de Paolo, mes mains n’ont pas retrouvé les sensations auxquelles elles s’attendaient. Les modules semblaient plus volumineux, plus lourds et moins habituels.
En un mot : ils semblaient différents.
Sans attendre, j’ai laissé Paolo décharger sa voiture et j’ai comparé notre nouveau module à un module qui prenait la poussière dans mon atelier. Et effectivement, la différence est palpable.
Comme vous pouvez le constater, la comparaison entre les deux modules ne laisse aucun doute. La hauteur du nouveau module (à droite) dépasse de 2 cm celle de l’ancien module.
C’est plus que significatif. Et déconcertant.
Déjà car en mécanique, quand on commence à parler en centimètres, c’est que quelque chose cloche. Et ensuite car 2 cm, c’est bien au-delà de la marge d’erreur que je m’étais autorisé dans l’intégration mécanique des modules dans notre preuve de concept.
Quant à leur poids, les nouveaux modules pèsent 2,8 kg de plus que les anciens.
À nouveau, c’est une différence aussi significative que déconcertante. Une différence dont nous allons devoir estimer les conséquences assez rapidement, car avec les anciens modules nous étions déjà très lourds.
Par chance, les autres dimensions sont strictement identiques. La largeur et la longueur des anciens et des nouveaux modules sont égales (c’est une consolation qui peut sembler maigre mais qui aura son importance).
Ça, c’est pour le volet des dimensions.
Mais il n’y a pas que ce volet qui a été chamboulé.
Car en plus d’être plus lourds et plus hauts que nos anciens modules sur lesquels nous avions basé la conception de notre preuve de concept, nos nouveaux modules sont prévus pour être maintenus différemment dans leur boitier.
À gauche, vous pouvez voir la méthode d’intégration mécanique des anciens modules : elle consiste très simplement en 4 alésages traversants, répartis aux 4 coins du module. C’est par leur entremise qu’on peut fixer les modules à leur logement.
Ces alésages sont très bien pensés.
Car l’un des grands enjeux de l’intégration mécanique d’une batterie réside dans l’isolation des cellules aux sollicitations mécaniques. Les cellules (et a fortiori les cellules poches comme celles de la Zoé) ne doivent en effet jamais voir transiter d’efforts.
La présence de ces alésages traversants est donc une bénédiction, puisque ce sont eux qui reprennent tous les efforts et toutes les vibrations qui sont générés par le roulage de la moto.
Comme vous pouvez le voir à droite de la photo que j’ai mise au-dessus, les nouveaux modules n’ont pas repris cette logique lumineuse des alésages traversants.
Leur intégration mécanique à eux repose sur des éléments moins évidents : des vis.
Oui, des vis.
Juste au-dessus, vous pouvez apercevoir l’extrémité de 2 des 4 vis qui traversent les modules. Leur présence et la forme non conventionnelle de leur tête ne laisse aucun doute sur leur rôle structurel.
Elles ont été positionnées ici pour être utilisées comme des poutres de reprises des efforts, de la même manière que les alésages traversants. On reprend donc la même logique, mais on le fait différemment.
Ce qui, forcément, entraîne quelques conséquences.
Les conséquences sur la preuve de concept
Pour le dire très clairement, nous ne pourrons pas utiliser les nouveaux modules de batterie que nous avons reçus dans la preuve de concept.
C’est parfaitement impossible, pour 2 raisons.
(1) D’abord car la distance que j’ai laissée entre les modules et le boitier dans lequel nous prévoyons de les glisser n’est que de 2 mm. Soit 10 fois moins que l’augmentation de taille que nous avons constatée entre les anciens et les nouveaux modules.
Il est donc impensable de faire entrer les nouveaux modules dans le boitier que j’avais conçu pour les anciens modules, sans modification de ce boitier.
Mais toute modification serait vaine, annihilée par le second point.
(2) Le boitier d’intégration des modules était prévu pour exploiter les alésages traversants en positionnant les modules grâce à de longues tiges creuses.
Il est impossible de monter des modules sur notre preuve de concept sans alésages traversants.
Ou si on le souhaitait, il faudrait revoir la conception du boitier dans son entièreté. Ce qui est évidemment hors de question, puisque nous ne pouvons pas gaspiller notre temps en révolutionnant tout ce qui a été fait auparavant.
Ce qui va se passer pour la preuve de concept est donc très simple :
J’attendais de recevoir les nouveaux modules, pour remplacer les 2 modules sur 4 que j’avais malencontreusement abimés. Hélas, nous ne pourrons pas les remplacer sur la preuve de concept.
Mais il me reste 2 anciens modules inutilisés que j’avais exploités jusqu’à maintenant en tant que cobayes (je les ai disséqués entièrement) afin de comprendre leur fonctionnement. Je peux donc les remonter, et voir ce que je peux en faire.
S’ils fonctionnent, je remplacerai les 2 modules défectueux par ces 2 modules. Notre preuve de concept aura alors 4 modules comme prévu, et nous pourrons la remonter pour faire les tests de conduite.
Et s’ils ne fonctionnent pas, nous devrons nous contenter de seulement 2 modules sur notre preuve de concept. Ça nous empêchera de vérifier certains points importants sur notre groupe motopropulseur, mais on pourra quand même faire des tests de conduite avec 2 modules sur 4.
La marche à suivre pour le remontage de la preuve de concept est donc limpide.
Et comme les usinages du boitier batterie arrivent bientôt à leur terme, il est possible que notre preuve de concept roule dans les prochaines semaines.
(Il sera bien temps !)
Quant au prototype industriel, la découverte de cette différence de dimensions ajoute une ligne à son cahier des charges.
Le prototype industriel devra être polyvalent
Selon toute vraisemblance, la différence de taille entre les modules sur lesquels je travaillais jusqu’à présent et les nouveaux modules s’explique par une différence de version : les anciens modules appartenaient à la Zoé 40 (de 2016) quand les nouveaux modules ont été extraits d’une Zoé 50 (de 2019).
Renault a donc modifié les batteries utilisées sur chacune de ses générations de Zoé.
Ce qui n’est absolument pas surprenant, quand on sait que la Zoé de 2019 affiche 80 km de plus d’autonomie que la Zoé de 2016. Il a bien fallu tirer ces kilomètres d’autonomie de quelque part.
Et nous le savons maintenant : ils viennent des 2 cm de hauteur supplémentaires sur les nouveaux modules.
Ce qui nous amène à reconsidérer un paramètre de la conception du prototype.
Ce paramètre, c’est celui de la polyvalence de son groupe motopropulseur. En effet, les Renault Zoé de différentes générations ont toutes des modules de largeurs et de longueurs égales, mais de hauteurs différentes.
On peut alors se demander s’il ne serait pas pertinent de concevoir le groupe motopropulseur de notre prototype industriel pour qu’il puisse embarquer les modules de toutes les générations de Renault Zoé.
De cette manière, le gisement de batteries disponibles serait largement multiplié :

Une telle polyvalence est parfaitement faisable techniquement (j’y reviendrai dans un prochain rapport hebdomadaire).
Et elle nous permettrait de sécuriser d’autant plus nos approvisionnements, puisque nous ne serions pas limités à un seul modèle de Zoé.
Tant et si bien que, si la découverte de la hauteur différentielle entre les modules de Renault Zoé de différentes générations est une épine dans le pied de notre preuve de concept, elle va peut-être améliorer considérablement la pertinence de notre prototype industriel.
Et par là même, cette épine dans le pied nous permettra de produire un groupe motopropulseur à nul autre pareil.
Car cette polyvalence me donne des idées.
Par exemple, ne serait-il pas excitant d’imaginer que notre groupe motopropulseur soit si polyvalent qu’à la fin, il saura intégrer des modules de batteries venant d’autres voitures ?
Au hasard, des Volkswagen ID.3 et des BMW I3 ?
Et dans ce cas, pourquoi pas en faire notre spécificité ? Pourrait-on devenir l’expert de la réutilisation de batteries de voitures électriques, à l’usage des véhicules électriques légers ?
Ça ne peut que me laisser rêveur…
Si rêveur que je risque de vous en parler à nouveau dans les prochaines semaines.
D’ici là, je vous souhaite un bon dimanche !
Julien