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Ce rapport hebdomadaire est destiné aux 102 pionniers.
Salut à tous,
Cette semaine, j’ai goûté à une amère prise de conscience.
Souvenez-vous : la semaine dernière, je vous avais dit que la recharge de notre moto électrique devait être un problème de réponse à un usage — et non pas un problème technique.
C’est pour cette raison qu’avant de prendre le temps de creuser les contraintes techniques de la chose, je vous avais demandé de me donner vos exigences.
Ce qui m’intéressait, c’était de savoir ce qu’était une bonne expérience de recharge, pour votre usage.
Je ne regrette pas.
Car j’ai retenu deux conclusions, claires comme de l’eau de roche :
La recharge quotidienne en temps masqué n’est un problème pour personne, elle peut donc être aussi lente qu’un escargot en grève.
Et la recharge exceptionnelle en vadrouille est pour beaucoup d’entre vous conditionnée par le temps fatidique de 1 heure.
Votre idéal est en effet d’avoir rechargé votre moto en une heure (ou moins), pour repartir tout beaux, tout frais après une pause mérité.
Ça, c’était dimanche dernier.
La suite des opérations consistait alors à transformer ces informations d’usage en concrétisation technique. C’est-à-dire d’identifier les contraintes technologiques qui s’opposaient à ces exigences afin de les résoudre.
Et c’est à ce moment que le goût amer s’est propagé progressivement dans ma bouche, jusqu’à risquer de l’envahir complètement (sans pour autant y parvenir, car il se pourrait que j’aie trouvé une réponse presque satisfaisante).
Avant d’en venir à la résolution de cette délicate affaire, reprenons la chronologie de ma semaine de travail dans les méandres de la recharge de notre moto.
Car ma semaine n’a été qu’une succession de bourbiers dans lesquels j’ai pataugé difficilement.
Et ça a commencé par Renault.
Renault, une aide très modeste
Il m’a semblé que la première étape pour commencer cette semaine, c’était de traduire vos exigences qualitatives en spécifications quantitatives.
Car 1h pour recharger, ce n’est pas assez précis pour faire une recherche.
Ce qu’il me fallait, c’était de savoir à quelle puissance de recharge cette exigence répondait.
Pour ça, la recette était simple : il fallait trouver la courbe de recharge des batteries que nous allons utiliser. De cette manière, on pouvait savoir comment évolue la puissance avalée par la batterie lors de sa recharge.
Et dès lors, on pouvait calculer la puissance nécessaire pour la recharger en une heure.
Mon premier réflexe, pour ça, a été de me tourner vers Renault.
Car qui de mieux que Renault pour (“entretenir votre Renault”) connaître l’évolution de la puissance admise par ses propres batteries lors de leur recharge ?
(Pour rappel et pour ceux qui viennent d’arriver, nous allons utiliser des modules de batterie de Renault Zoé en fin de première vie sur notre moto électrique. J’ai développé les raisons de ce choix ici.)
Eh bien manifestement, il y a beaucoup mieux que Renault.
Car quand on se rend sur leur calculateur de temps de recharge en fonction de la puissance, on se rend compte que quelque chose ne tourne pas rond.
Selon eux, charger la batterie de la Zoé de 0 à 80% prend 6h54 sur une borne de 7,4 kW, quand la recharge de 0 à 100% demande 8h33.
Face à ce chiffre brut, il n’y a pas de quoi être choqué.
Mais si on calcule la puissance moyenne de recharge, on réalise qu’il y a un problème : d’après leurs estimations, la puissance moyenne de recharge de 0 à 80% est de 6,03 kW, contre 6,08 kW pour recharger de 0 à 100%.
Ce qui est tout bonnement impossible.
On sait en effet que les derniers pourcents de recharge sont toujours légèrement plus lents que les autres. Ce qui veut dire que mécaniquement, la puissance moyenne de recharge ne peut qu’être plus faible lorsqu’on fait le 0 à 100%.
J’adore Renault, mais encore une fois, ils gagneraient à être un peu plus transparents.
Face à ce constat, mes reproches importaient peu. Pas de temps à perdre avec ça, car il fallait que je trouve une solution pour établir la puissance de recharge qui est nécessaire pour charger notre moto en 1h.
Et comme souvent, la réponse m’est venue d’un membre du Club des Pionniers.
J’ai en effet envoyé un message à Olivier, qui a une Zoé et qui maîtrise le sujet.
Et sa réponse a été parfaite : sur une borne de 7,4 kW, sa Zoé se recharge sans faiblir jusqu’à atteindre 94% de recharge, où la puissance qu’elle aspire passe en dessous de 7 kW.
Traduction : entre 0 et 94% de recharge, la puissance de recharge est parfaitement stable.
Si on se met sur une borne de 7,4 kW, elle se recharge à plus de 7 kW.
C’est une excellente nouvelle :
Car si on se dit qu’on empêchera la batterie de notre moto de descendre en dessous de 5% ;
et qu’on se rappelle que la capacité utile de nos batteries est de 90% ;
alors la puissance moyenne pour recharger la batterie sur sa capacité utile (entre 5 et 95% donc) est égale à la puissance disponible sur la borne.
ce qui veut dire que si on veut recharger 9,5 kWh en 1h, il faut environ 9,5 kW de puissance à la borne.
C’est d’une linéarité délicieuse.
Et ça permet de ne plus se casser la tête en calculs. Le temps de recharge s’estime donc avec une simplicité affolante : il est égal à la capacité utile de notre batterie divisée par la puissance de la borne.
Voilà une bonne chose de faite.
On sait maintenant que si on veut recharger notre moto en 1h, il faut grossièrement une prise capable de délivrer 9,5 kW.
Problème : c’est un peu plus difficile que ça.
Il faut choisir entre le monophasé et le triphasé
La raison de cette difficulté est simple.
C’est qu’en réalité, il faut choisir entre un câble de recharge en monophasé de 7,4 kW et un câble en triphasé de 11 kW pour connecter la prise (ou la borne) à notre batterie.
Or à part mon grand-père qui a voulu installer une pompe industrielle chez lui et quelques autres passionnés, personne n’est équipé en triphasé à la maison.
Car ici, c’est le câble qu’on relie directement à la moto qui décide de la puissance disponible : plus il est gros, et plus il est capable de tirer de la puissance.
Or s’il est monophasé, il ne peut pas tirer plus de 7,4 kW.
Et comme tout le monde est équipé en monophasé, dimensionner la recharge de notre moto avec un câble triphasé de 11 kW apparaît comme peu pertinent :
La plupart du temps, notre moto ne sera jamais chargée à sa puissance de recharge maximale de 11 kW (ce qui n’est pas si grave, mais le surdimensionnement reste embêtant) ;
Et quand on branchera notre câble triphasé de 11 kW sur une prise monophasée, alors ce câble ne pourra utiliser qu’une seule de ses phases, ce qui le contraindra à un tiers de ses capacité — donc 3,7 kW.
Autrement dit, le choix est vite vu : on doit viser le monophasé de 7,4 kW.
Avec lui, on aura certes une recharge moins rapide dans les conditions idéales de borne triphasé, mais on ne subira pas la limite de puissance si on l’utilise à la maison.
Car à la maison, à condition d’avoir une prise de 32A, on pourra tirer 7,4 kW.
Et puis une puissance moyenne de recharge de 7,4 kW, ça correspond à une recharge de 120 km en une heure. C’est certes en dessous des 150 km de recharge en une heure, mais ça n’est pas si loin.
C’est donc un compromis, mais qui me semble encore acceptable.
Pourtant, ce n’est pas le dernier compromis que nous aurons à faire. Car en réalité, notre moto électrique telle qu’elle est conçue aujourd’hui ne pourra pas se recharger à 7,4 kW.
La coupable : sa tension de 60V.
5,4 kW de recharge maximum
Voilà le problème.
Aucun chargeur embarqué ne tolère des intensités supérieures à 80A. Or si on voulait recharger notre moto à 7,4 kW, on aurait besoin de 110A (car la tension de recharge de notre batterie est de 67V).
Ce qui veut dire que la puissance maximale de recharge qu’on peut injecter dans notre moto descend à 5,4 kW (80A x 67V).
Traduction : on passe d’un seul coup à une recharge de 85 km d’autonomie en une heure.
En l’espace de quelques lignes, on vient de diviser par 2 nos espoirs de vitesse de recharge. Et si ça ne suffisait pas, on vient de s’alourdir de 16 kg avec le seul chargeur embarqué fiable et sérieux de 5,4 kW que j’ai pu trouver.
Ça, c’est un sacré coup de frein.
Car la semaine dernière, nous nous étions tous accordés pour dire qu’on espérait une recharge complète de notre batterie en une heure (ou moins). Et une semaine plus tard, la seule solution que je trouve ajoute 50 minutes à ce chiffre.
Ce qui nous amène à trancher entre deux solutions qui auront leurs conséquences :
La première, c’est de se satisfaire de ce chiffre : on peut se dire qu’1h50 pour recharger une moto électrique, c’est déjà un bon score. Un score que peu d’autres constructeurs arrivent à garantir.
La deuxième, c’est d’abandonner cette limite des 60V de tension de batterie, nous amenant directement dans la norme des batteries haute tension et empêchant les motards de toucher à leur moto : ça en ferait une boîte noire impénétrable et impossible à réparer pour le commun des mortels.
J’ai une préférence pour la première solution car elle me semble un compromis encore acceptable.
Mais à nouveau, je m’en remets à vous pour savoir ce que vous en pensez.
Comme d’habitude, j’attends vos réponses dans les commentaires du Club des Pionniers. Et si on trouve un consensus rapide, ça me permettra de commander au plus vite le chargeur embarqué, car les batteries arrivent le 26/11.
On se retrouve dans les commentaires du Club des Pionniers.
Et dans l’attente de vous lire, je vous souhaite un bon dimanche !
Julien
P.S. : Je n’ai pas évoqué la recharge rapide en courant continu, car elle nous est par défaut impossible : la tension utilisée est bien trop grande pour notre batterie. Je comptais le clarifier dans ce rapport hebdomadaire, mais il me semble qu’il est déjà bien assez long. ;)


