La raison de la stagnation du prix des voitures électriques
Et la simple solution que ce projet apporte
Temps de lecture : 12 minutes.
Ce rapport hebdomadaire est destiné aux 208 pionniers.
Mercredi prochain à 18h, nous organisons le 26ème événement du Club des Pionniers.
Il aura lieu comme toujours sur Google Meet, pour vous permettre de rejoindre la discussion à tout moment.
Cet événement sera consacré au traditionnel bilan de mi-parcours de 2023. Ce sera l’occasion de faire un point sur nos avancées, les problèmes que nous avons rencontrés, et les espoirs que nous avions placés dans ces 6 premiers mois de l’année.
Et bien sûr, nous allons découvrir ensemble si tout s’est passé comme prévu (non).
Si vous avez envie de venir en discuter avec nous, vous pouvez :
D’ores et déjà verrouiller la soirée de mercredi, de 18h à 20h ;
Cliquer sur ce lien pour vous rendre sur la page de présentation de l’événement ;
Et cliquer sur le bouton
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qui est affiché sur la page.
Je n’enverrai le lien Google Meet qu’aux Pionniers qui se seront inscrits au préalable, donc n’oubliez pas de réserver votre place en cliquant sur le bouton suivant :
J'ai hâte de vous y retrouver !
Salut à tous,
Il y a plus de 10 ans — en 2012 pour être exact — Renault dévoilait la première voiture électrique en laquelle le fleuron français de l’automobile croyait vraiment.
Après l’échec commercial de la Fluence ZE, Renault jouait son va-tout avec la Zoé.
Depuis cette époque, de l’eau a coulé sous les ponts.
L’équipe de France de football a gagné une nouvelle coupe du monde, Elon Musk est passé du statut de milliardaire au statut de centimilliardaire, et la concentration de CO2 dans notre atmosphère a augmenté de 12%.
En somme, la décennie qui vient de s’écouler est une décennie de progrès.
Mais ce progrès ne s’est pas limité aux 3 exemples que je viens de citer.
Car un autre exemple a déjoué tous les pronostics, et a montré que Renault avait finalement eu le nez creux : sur la décennie qui vient de s’écouler, la Renault Zoé a été l’une des voitures électriques les plus vendues au monde.
Quel exploit immense !
À l’époque, Renault était presque devenu ringard.
Une décennie plus tard, ils ne sont certes pas devenus aussi désirables que Tesla (qui s’est arrogé entre temps le titre de meilleur vendeurs de voitures électriques). Mais grâce à ce succès, Renault n’a plus cette image de fabricant de voitures familiales ennuyeuses.
C’est devenu un fabricant quasi-visionnaire.
Je dis bien “quasi”, car il ne faut pas trop forcer sur les superlatifs. Ils n’ont pas eu que des bonnes idées. Je pense par exemple à la marque Ampere qu’ils ont créée, et dont la naissance est encore un mystère pour beaucoup.
Mais tout de même, la Zoé est une réussite exceptionnelle.
Et comme pour toute réussite fracassante, le temps des victoires a fini par se conjuguer au passé. Son paroxysme est dorénavant derrière elle. Tant et si bien que ce n’est plus un secret : son tirage de révérence s’annonce imminent.
En me souvenant de ce succès éclatant qui appartient désormais au passé, j’ai eu envie de prendre un peu de temps cette semaine pour jeter un œil à la vie de la Zoé, depuis sa naissance.
Je me suis donc mis en quête des premiers articles de presse consacré à cette voiture qui fera date, qui remontent à 2012.
Et en les lisant, une anomalie m’a frappé.
En 2012, la Zoé coûtait 15 700 €.
Aujourd’hui, elle coûte 35 100 €.
Alors évidemment, la prix de la Zoé en 2012 ne comptait pas le prix de la batterie, qu’on louait à Renault et qui coûtait 79 € par mois.
Mais si on fait le calcul, on réalise que l’automobiliste qui s’est offert une Zoé en juillet 2012 vient à peine de payer plus de 10 400 € de batterie. Ce qui implique que le prix de sa Zoé en comptant la location de sa batterie vient tout juste de dépasser le prix d’une Zoé neuve en 2023.
Autrement dit, l’évolution du prix de la Zoé en 10 ans ne peut que nous questionner : est-ce que cette évolution n’est pas inverse à ce qui nous avait été promis, d’une mobilité électrique de plus en plus accessible économiquement ?
Ou plus précisément, est-ce que nous n’allons pas dans la mauvaise direction avec les voitures électriques actuelles ?
Les prix n’ont pas réellement baissé
Nous venons de le voir, le prix de la Renault Zoé n’a pas évolué au fil des années comme ce qui était espéré. Mais il faut dire qu’entre temps, ses performances ont explosé.
Alors je ne sais pas si on peut lui pardonner, mais disons que ça compense un peu.
D’autant que si on regarde le reste du marché, on réalise qu’il y a eu un malentendu généralisé sur la promesse d’une baisse progressive du prix des voitures électriques (pour aboutir à une parité entre le prix d’une voiture électrique et son équivalente thermique).
Voilà en effet la courbe qui nous a été promise pendant plus d’une décennie d’existence des voitures électriques grand public :
Cette image date de 2021.
Elle n’est donc pas si ancienne. Mais si vous observez les prix des voitures électriques qu’elle projette sur la décennie 2020-2030, vous comprenez que ça coince quelque part.
Si l’on en croit cette image, pour atteindre la parité des prix à l’achat entre les voitures électriques et leurs équivalentes thermiques en 2026, il aurait fallu observer une diminution du prix des voitures électriques de 40% entre 2020 et 2023.
Mais à la place, nous avons observé une stagnation cruelle :
En Europe et en Amérique, le prix des voitures électriques stagne désespérément depuis 2018. La promesse n’est donc absolument pas tenue, alors même que chacun sait que si l’on veut massifier la voiture électrique, on n’a pas d’autre choix que de la rendre accessible.
Ou plutôt, nous n’avons pas d’autre choix que de baisser son prix jusqu’à atteindre la tant espérée parité.
Cette même parité que les commentateurs enthousiastes rêvent de voir survenir. Et celle-là même que les constructeurs, pris dans la course à la performance, désespèrent de voir s’éloigner.
Mais n’ayez crainte.
Les commentateurs et les constructeurs ont trouvé le coupable : il porte le nom d’une spécialité québecoise et il a pris ses quartiers à Moscou.
Ils le certifient : quand l’épisode russe se sera terminé, tout reviendra dans l’ordre. Et l’évolution du prix des voitures électriques pourra retourner à la baisse.
Autrement dit, tout ça n’était pas prévisible. Ce sont les aléas de la géopolitique mondiale. Le chaos du monde a eu raison de ces innocents acteurs de la mobilité décarboné.
En est-on bien sûr ?
L’invasion décrétée par le dictateur russe date du 24 février 2022.
Ce qui permet immédiatement de démonter irrémédiablement l’argument de la hausse des prix due à la guerre : un événement ne peut pas être responsable d’un phénomène s’il est survenu après l’observation de ce phénomène.
Or c’est bien ce qu’on constate ici avec le prix des voitures électriques : on espérait une baisse des prix depuis 2020, qu’on n’a hélas pas observée. Le prix des voitures électriques n’a donc pas attendu l’agression russe pour stagner.
Cet argument ne tient pas debout.
Mais admettons qu’il ne soit pas démonté si vite. Et voyons s’il n’est pas possible de prouver la prévalence russe dans la stagnation du prix des voitures électriques. Ça ne peut qu’être un exercice intéressant pour comprendre le prix des voitures électriques.
Pour ça, il est nécessaire de chercher la racine du problème de la stagnation des prix.
Et cette racine n’est un mystère pour personne : la batterie est le composant qui coûte le plus cher dans un véhicule électrique. Son prix représente plusieurs dizaines de pourcents du prix final d’achat.
C’est le cas depuis toujours, et ça sera sans doute toujours le cas.
Ce qui veut dire que le prix d’un véhicule électrique est directement indexé sur le prix de sa batterie. Si la batterie coûte moins cher à produire, alors le véhicule sera moins cher.
Eh bien, avec une exactitude remarquable, la stagnation des prix des voitures électriques a commencé lorsque le prix de production des batteries lithium-ion a commencé à stagner :
Ainsi, si on veut prouver l’impact du caprice du tsar sur la stagnation du prix des voitures électriques, on doit prouver son impact sur le prix des batteries. Et plus précisément, on doit prouver que ce caprice a généré une hausse du coût de fabrication des batteries, qui lui-même a annulé la baisse structurelle du coût d’une batterie.
Car c’est mécanique.
Le prix des batteries, toute choses égales par ailleurs, devrait baisser au fur et à mesure que des usines sont déployées pour fabriquer des batteries. Les usines ne peuvent que gagner en productivité au début de leur vie et ainsi, la fabrication de chaque batterie ne peut que coûter de moins en moins cher.
Si bien qu’une stagnation doit être générée par la hausse du coût de quelque chose, quelque part.
Une hausse du coût de l’énergie,
une hausse du coût des matières premières,
une hausse du coût des transports…
Autant d’étapes qui auraient pu faire augmenter le coût de fabrication des batteries lithium-ion.
La Russie n’y est pour rien
Lorsque l’on dissèque les différentes catégories de coût de la production d’une cellule lithium-ion NMC, on en arrive toujours à cette répartition :
Ce sont les matières premières qui coûtent le plus cher (plus de 50% du coût de production en moyenne). Elles sont suivies de très loin par les installations industrielles, elles-mêmes talonnées par les dépenses de personnel.
(Le coût de l’énergie, donc, est presque négligeable.)
Si l’attaque russe a généré une hausse du coût dans la production des cellules de batteries, ça ne peut donc venir que des matières premières.
Car il n’y a aucune raison que le despote slave ait impacté le coût des installations industrielles, et encore moins celui du salaire des employés des usines de production de cellules.
À la lumière de cette conclusion, nous savons où chercher.
Il suffit de trouver l’évolution du prix des matières premières composant les cellules lithium-ion. L’électrolyte donc, les poudres d’oxydes métalliques et de graphite, ainsi que divers métaux.
Le problème, c’est qu’il est difficile de trouver le prix de ces matières premières qui sont déjà transformées.
Mais ce qu’on peut trouver, c’est le prix des matériaux qui composent ces matières premières déjà transformées.
Et si on se concentre sur l’évolution du prix des 3 minerais qui impactent le plus significativement le coût de production d’une cellule, on réalise que la Russie n’a rien à voir dans une quelconque stagnation du prix des batteries lithium-ion.
Je vous laisse juger par vous-mêmes :
La sinistre date de 24 février 2022 n’a généré une hausse durable pour aucun des 3 cours. Si nous avons pu constater une hausse persistante du prix du lithium, elle date hélas de bien avant l’invasion russe (plutôt au moment du COVID).
À ce stade, il semble donc évident que si l’autocrate russe a eu un impact sur le prix des véhicules électriques, cet impact ne peut pas expliquer à lui tout seul la stagnation du prix des véhicules électriques sur les 5 dernières années.
Mieux, il semblerait que son impact soit tout à fait négligeable.
(Ce qui revient à se réjouir d’une défaite supplémentaire pour l’un des plus grands acteurs de l’industrie des énergies fossiles. Voilà qui est agréable.)
Mais une fois que cette démonstration a été faite, que faire de la stagnation du prix des voitures électriques ?
Un prix structurellement cher
Dans ce rapport hebdomadaire, je n’ai pas la prétention de prévoir le prix des voitures électriques sur les 10 prochaines années. Et ma prétention est encore moins à expliquer les raisons de la stagnation désespérante du prix des voitures électriques.
La seule chose donc je suis sûr, c’est que le prix des voitures électriques stagne.
Et il stagne depuis 5 ans, en même temps que le prix des batteries stagne.
Nous l’avons vu, il apparaît peu probable que cette stagnation du prix soit expliquée par un élément extérieur tel que l’invasion russe.
La raison la plus probable de cette stagnation semble en réalité beaucoup plus réside dans la répartition du coût de production d’un véhicule électrique.
En effet, lorsqu’on le compare à un véhicule thermique équivalent, on réalise que l’assemblage du véhicule coûte exactement aussi cher mais que le groupe motopropulseur coûte significativement plus cher.
Dès lors, si le prix des batteries stagne depuis 5 ans, il n’y a aucune raison de croire qu’il baissera significativement du jour au lendemain. Ça demandera nécessairement beaucoup de temps et d’efforts.
Et par là même, il n’y a aucune raison de croire que le prix des véhicules électriques atteindra la parité tant rêvée dans les prochaines années.
Cela étant dit, la conclusion à tirer est très simple.
Puisque le prix des batteries stagne, il suffit de réduire la taille des batteries embarquées dans les véhicules électriques pour voir leur prix baisser.
Dès lors, on comprend mieux pourquoi ceux qui étudient vraiment la mobilité sont si enthousiastes des véhicules électriques intermédiaires (ces modes de transports qui se situent entre les mobilités douces et les voitures).
Ce sont ces véhicules électriques intermédiaires qui vont réellement permettre de baisser le prix de la mobilité électrique, permettant sa massification avec beaucoup moins de friction, et donc une transition mobilitaire beaucoup moins douloureuse.
C’est aussi simple que ça.
Quand d’aucuns rédigent des rapports de recherche de plusieurs centaines de pages pour trouver comment baisser hypothétiquement les coûts structurels de la production des voitures électriques par l’investissement massif et les effets de réseau, nous proposons une solution simple.
Il suffit de faire plus petit.
Point.
Et tant pis si les consultants de Bloomberg et de McKinsey ne l’ont pas compris. Car ce sont bien les motos, les scooters, les tricycles et les quadricycles légers qui vont débloquer la situation.
Il ne reste qu’à concevoir de bonnes motos électriques, de bons scooters, de bons tricycles, et de bons quadricycles légers. Mais nous y travaillons, toutes les semaines.
En somme, n’en déplaise à celui dont je n’ai pas eu besoin de prononcer le nom : nous gagnerons.
Bon dimanche,
Julien