Un procédé économe et performant
J'ai nommé : l'extrusion d'aluminium
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Temps de lecture : 7 minutes.
Salut à tous,
Le marché de la mobilité électrique intermédiaire peine à décoller. Et c’est un euphémisme de le dire ainsi. Si on voulait être plus juste, on dirait que le marché de la mobilité électrique intermédiaire n’est même pas sorti de son œuf.
En dehors de quelques anomalies statistiques (la Citroën AMI et les scooters en libre-service), les véhicules électriques intermédiaires ne sont en effet aujourd’hui qu’au stade de la belle idée.
Ils séduisent les connaisseurs et les penseurs de la mobilité, mais ne convainquent personne.
Et ce, pour mille raisons.
Des raisons qu’il semble illusoire d’énumérer exhaustivement. Car si nous y parvenions, il ne nous resterait plus qu’à traiter chaque raison, l’une après l’autre, pour faire enfin éclore ce segment de véhicules dont la nécessité n’est plus à démontrer.
Je ne vais donc pas me risquer à lister toutes les raisons à l’infertilité des véhicules électriques intermédiaires.
En revanche, il y a une raison qui me paraît d’une évidence saillante.
C’est que ces véhicules électriques intermédiaires ne seront pas engendrés par les grands constructeurs automobiles (qu’ils soient spécialisés dans les motos, les scooters, ou les voitures). Ils ont beaucoup trop à perdre pour tenter de nouvelles choses.
Et même s’ils tentent de faire illusion en nous donnant quelques miettes (l’AMI de Citroën et le scooter CE-04 de BMW en sont de bons exemples), ils ne trompent personne. Tout le monde sait que si un nouveau segment de véhicules doit être inventé, ça ne sera pas par eux.
Eux, ils se contenteront de racheter (c’est ce qu’ils espèrent) les gagnants de ce nouveau segment.
Mais alors, comment espérer que des nouveaux acteurs de la mobilité émergent en proposant une gamme pertinente et performante de motos électriques, de scooters électriques et de quadricycles légers électriques ?
Eh bien en trouvant comment permettre à tous ces nouveaux acteurs de financer la production des véhicules qu’ils souhaitent mettre sur le marché. Et n’ayant pas les moyens des grands constructeurs, ces néo-constructeurs doivent tirer sur tous les coûts.
Ce qui ne leur laisse que 2 choix :
Soit travailler avec la Chine (triste réalité mais réalité néanmoins) ;
Soit redoubler d’ingéniosité pour abaisser les investissements industriels autant que possible.
Forcément, vous l’imaginez, c’est la deuxième option que je promeus, de toutes mes forces. C’est aussi la deuxième option que je cherche à développer sur le prototype que je conçois.
Et parfois, je tombe sur des pistes inexplorées jusqu’à présent mais qui semblent prometteuses.
J’ai décrit une de ces pistes inexplorées dans le rapport hebdomadaire destiné aux membres du Club des Pionniers. Cette piste se concentre dans une question : pourquoi ne pas remplacer la fonderie d’aluminium qui est extrêmement coûteuse par une extrusion d’aluminium beaucoup plus économique ?
(Et si vous n’en avez jamais entendu parler, l’extrusion est un procédé beaucoup utilisé pour fabriquer des poutres avec des profils plus ou moins complexes. Ça peut aller de la rustique poutre IPN qui équipe tous nos bâtiments métalliques, au profilé d’aluminium des châssis de machines industrielles.)
Si je me pose cette question, c’est car aujourd’hui personne n’a creusé dans cette direction.
Ou du moins, personne n’a creusé aussi loin que l’idée qui est la mienne, qui consiste carrément à produire un boitier de batterie structurel en extrusion d’aluminium. Car jusqu’à présent, c’est la fonderie d’aluminium qui était choisie pour un tel usage.
Alors depuis que j’ai eu cette idée, je creuse.
J’ai commencé par tracer un profil crédible d’un boitier extrudé en aluminium, permettant d’accueillir les batteries de mon prototype. Le profil de ce boitier est retrouvable dans le rapport hebdomadaire de dimanche dernier.
J’ai ensuite questionné les membres du Club des Pionniers, sur leurs sentiments au sujet d’une telle idée en rupture avec le marché. Et ils ont semble-t-il validé son aspect prometteur.
Ce qui m’amène à cette semaine.
Cette semaine, le principe de l’extrusion d’aluminium semble validé. Mais je ne peux pas me satisfaire d’une validation de principe. Je dois déblayer au maximum le chemin pour m’assurer qu’il est pertinent de concentrer mes efforts dans cette solution.
Car se lancer le processus de conception mécanique d’une telle solution, ça demande énormément de temps : des modélisation 3D, des simulations numériques, du prototypage, des essais de validation, des corrections, et j’en passe.
J’ai donc cherché ce que la littérature scientifique avait à dire sur le sujet.
Je voulais savoir si, d’une manière ou d’une autre, la communauté scientifique n’avait pas apporté une réponse à mon questionnement. Un questionnement qui pourrait se traduire ainsi : est-ce qu’il est mécaniquement crédible de remplacer une pièce d’aluminium en fonderie par une même pièce d’aluminium en extrusion ?
Forcément, je n’ai pas trouvé la réponse sur un plateau.
Mais en divisant la question en 2, je l’ai trouvée :
J’ai en effet trouvé la résistance élastique de l’aluminium extrudé (c’est-à-dire la valeur de contrainte à partir de laquelle le matériau se déforme irréversiblement), qui se situe aux alentours de 160 MPa.
Et j’ai trouvé la résistance élastique des aluminiums les plus utilisés en fonderie à destination de l’automobile (A356-T6), qui se situe aux alentours de 195 MPa.
En termes de performances mécaniques, les aluminiums extrudés sont donc 18% moins intéressants que les aluminiums de fonderie (même s’il est possible de se rapprocher d’une équivalence des propriétés mécaniques par divers moyens).
Mais en termes d’investissements industriels, l’écart n’est pas de 18%. Il est certainement de plus de 50%, à l’avantage de l’extrusion d’aluminium.
Ce qui veut dire que certes, le procédé d’extrusion d’aluminium doit compenser sa plus faible performance mécanique par un moyen ou par un autre. Mais il le fait pour une fraction du prix de la fonderie.
Si bien qu’à ce stade, ma décision est prise.
Je vais consacrer le temps qu’il faudra pour m’assurer que cette solution a bien le potentiel que je lui vois. Et parti comme c’est parti, je ne suis pas à l’abri de tomber sur un résultat vraiment intéressant. Mais je ne m’avance pas trop : l’avenir nous le dira !
Bonne fin de semaine,
Julien
Bonjour Julien, décidément, ces pistes successives que tu explores sont toujours surprenantes et souvent suivies de possibilités opérationnelles. C'est vraiment intéressant pour Ambre que tu sois un de ses concepteurs. Bravo ! Amitiés à tous, Loïc