J’ai bondi de joie en voyant cette courbe
Les batteries usagées de la Renault Zoé me plaisent de plus en plus
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Le prochain événement du Club des Pionniers sera mercredi (le 29 septembre) à 18h !
Le thème a le mérite d’être clair — trancher pour de bon entre :
La solution des batteries de Zoé réutilisées ;
Ou la solution des batteries SAFT.
Cet événement se fera en distanciel. Mercredi matin, je vous enverrai donc un e-mail avec le lien à cliquer pour rejoindre la salle virtuelle.
Mais je n’enverrai ce lien qu’aux membres qui se seront inscrits sur la liste d’attente. Donc si vous souhaitez y participer, inscrivez-vous en cliquant sur le bouton ci-dessous.
Salut à tous,
Si on veut exploiter les modules de la Renault Zoé en fin de vie sur notre prototype (comme nous l’avons évoqué la semaine dernière), il y a un domaine sur lequel nous allons devoir devenir imbattables.
Manque de chance, c’est aussi un domaine d’une opacité infinie.
Car aucun constructeur de batteries ou de véhicules électriques n’a intérêt à communiquer sur ce sujet. Chaque constructeur garde jalousement son savoir dans ce domaine, à la fois pour garder de l’avance sur la concurrence et pour mentir au public.
C’est en effet connu : le public est “idiot”.
Il ne faut donc pas lui dire la vérité — puisque quand on lui dit la vérité, il préfère s’orienter vers les gens qui lui mentent et qui lui promettent la lune enrobée de caramel.
Ou peut-être que le public n’est pas si idiot.
Et peut-être que ce sont les constructeurs et leur culte du secret qui ont tort.
Je fais aujourd’hui partie du public. Je ne sais donc pas ce qu’il en est pour vous, mais je penche plutôt vers la deuxième hypothèse : les idiots sont les constructeurs avares, et non pas les consommateurs.
Quoi qu’il en soit, ce fameux sujet dont personne n’ose prononcer le nom, c’est la maîtrise des performances des cellules de batteries au cours du temps. Dans le jargon, on parle de l’étude du “SOH”, pour “State of Health” (nom transparent s’il en est).
C’est un sujet épineux.
Car nous savons tous que les batteries sont un point de friction très sérieux des véhicules électriques.
Leur production n’est pas exemplaire ;
Elles n’arrivent pas à garantir des autonomie équivalentes à ce que le pétrole offre ;
Et elles alourdissent les véhicules électriques.
Les constructeurs acculés pensent donc qu’il est impossible de dévoiler une tare supplémentaire de leurs batteries aux yeux du public. Et pourtant, leurs batteries en présentent bien une : leur vieillissement est dur à maîtriser.
Vraiment dur.
Il est à géométrie variable, il dépend de mille paramètres sur lesquels l’usager n’a pas prise, et il représente une charge mentale que les constructeurs préfèrent garder pour eux.
Ils pensent que s’ils ne disent rien, personne ne le saura.
Pour l’instant, force est de constater que c’est une stratégie payante.
Car je n’ai encore entendu aucun propriétaire d’un véhicule électrique se plaindre de la durée de vie de sa batterie.
Je ne peux donc pas leur jeter la pierre. Mais si notre idée est justement de réutiliser les modules de leurs batteries en fin de première vie, je ne peux pas me contenter de ce silence entendu.
Je refuse de laisser des angles morts aussi grands.
La batterie que nous utiliserons aura vieilli, par définition. Et il est impossible d’imaginer qu’on ne garantisse pas une certaine tenue dans le temps, à la fois de la batterie de notre moto et de son autonomie.
Alors on va devoir y travailler.
On va devoir le faire certainement plus en profondeur que quiconque.
Et ça commence par une vérification, qui consiste à s’assurer qu’utiliser des modules de batterie en fin de première vie n’est pas une erreur regrettable. J’ai fait cette vérification, et je peux vous dire que je respire déjà un peu mieux.
La courbe de vieillissement des cellules de la Renault Zoé
Pour m’en assurer, je me suis rendu sur mes moteurs de recherche scientifiques préférés, et j’ai croisé les doigts en tapant ma requête (ce qui n’est pas simple).
J’ai été soulagé par ce que j’ai vu : il existe bel et bien une littérature sur la courbe de vieillissement des cellules utilisées dans la Renault Zoé.
Elle n’est pas dense, puisqu’il n’y a qu’un seul article.
Mais quand même, cet article a le mérite d’exister.
Une étude a en effet été menée en 2020 pour élaborer un modèle de prévision du vieillissement spécifique aux cellules de la Renault Zoé 41 kWh (incroyable coïncidence).
(Pour être précis, les cellules qui sont utilisées dans la Zoé 41 kWh de 2018 sont des cellules lithium-ion de chimie NMC, produites par le coréen LG Chem, et elles appartiennent à la catégorie des cellules poches.)
Voilà un aperçu de ce à quoi cette courbe de vieillissement ressemble.
Sur ce graphe, il ne faut pour le moment s’intéresser qu’aux courbes descendantes (celles qui montent témoignent de la résistance interne des cellules, un vaste sujet qu’on traitera plus tard).
Nous n’allons pas entrer dans les détails, car ce rapport hebdomadaire n’a pas vocation à devenir un cours sur la théorie électrochimique.
Ce qu’il faut en retenir, c’est que dès que j’ai aperçu cette courbe, j’ai respiré.
Car j’ai observé avec plaisir que les courbes de vieillissement étaient relativement linéaires en-dessous de 70% de SOH (souvenez-vous, l’anglicisme qui traduit l’état de santé de la cellule).
C’est-à-dire qu’on n’observait pas de chute brutale de la capacité. Et même si ce n’était pas encore suffisant pour respirer sereinement, c’était déjà un premier indice.
Alors j’ai continué la lecture de l’article.
Et j’ai bondi de joie en voyant que les auteurs mettaient à disposition leur modèle de calcul. Comme ça, gratuitement, sans demander la moindre contrepartie.
(Si cet article avait été en libre accès pour tout un chacun, ça m’aurait presque donné envie de croire à la science ouverte !)
J’ai donc suivi les consignes à la lettre, et j’ai retranscrit leur modèle de calcul sur mon outil préféré : Excel.
Mais avant de vous en montrer les résultats, il faut que je réponde à une question que personne ne m’a encore posée : pourquoi diable est-ce que je me suis concentré sur ce chiffre 70% de SOH ?
Renault et sa batterie louée
Vous le savez peut-être, la Zoé a longtemps été disponible en deux modes d’achats.
Le premier, tout à fait classique, consistait à acheter la Zoé dans son entièreté. Quand vous sortiez de la concession Renault en ayant opté pour cette option d’achat, la Zoé était donc entièrement vôtre.
Ici, pas de surprise.
Mais le deuxième mode d’achat était plus original : la Zoé était bien à vous, mais la batterie appartenait à Renault. Vous deviez payer un forfait mensuel pour l’utiliser, ce qui vous permettait de dépenser moins lors de l’acquisition et de mieux lisser l’investissement.
Et pour vous convaincre de débourser de l’argent tous les mois, Renault remplaçait gracieusement votre batterie lorsqu’elle atteignait 75% de sa capacité initiale, contre 66% si vous optiez pour l’achat intégral.
Depuis janvier 2021, Renault a décidé d’arrêter cette offre.
Et aujourd’hui, si vous voulez vous offrir une Zoé, vous n’avez pas d’autre choix que de passer par l’achat intégral.
Quoi qu’il en soit, vous devez maintenant mieux comprendre mon calcul :
Une batterie de Zoé est considérée en fin de vie lorsqu’elle atteint 75% de sa capacité initiale si elle est louée — et 66% si elle est achetée.
Si on fait l’hypothèse un peu rapide qu’il y a eu autant de batteries de Zoé louées que de batteries vendues, alors on peut se dire qu’en moyenne, il reste 70% de capacité aux batteries de Zoé en fin de vie.
On peut donc partir sur l’idée qu’on récupèrera les modules de la Zoé avec cette capacité, puisque les Zoé qui nous intéressent ont nécessairement été vendues avant janvier 2021 et la fin du modèle à double option d’achat.
L’enjeu est donc simple : nous devons savoir ce qu’il se passe en-dessous de 70% de capacité restante pour la batterie de la Zoé.
Et grâce à l’étude miraculeuse qui a créé le modèle de prévision du vieillissement des cellules de Zoé, je sais ce qu’il se passe en-dessous de 70%.
Ou du moins, j’ai accès à une première approximation.
La courbe de vieillissement de la batterie de la Zoé
Il faut savoir que le modèle de calcul proposé dans l’étude fait intervenir 3 paramètres.
Le premier, c’est la température
Ils ont remarqué que plus la batterie fonctionnait à des températures élevées, plus vite elle se détériorait. Le modèle laisse donc le choix entre une température de 25°C et de 45°C.
Comme il fait bon vivre vers chez nous, j’ai opté pour l’option 25°C.
Le deuxième, c’est la puissance moyenne de charge et de décharge
Les auteurs de l’étude ont en effet remarqué que plus on rechargeait la batterie avec une haute puissance et plus on la déchargeait violemment, moins longtemps elle durait.
C’est parfaitement prévisible, car la batterie est un mécanisme électrochimique dont il faut prendre soin. Mais ce qu’ils ont aussi remarqué, c’est qu’il était possible de prévoir l’état de santé de la batterie en fonction de la puissance moyenne de charge/décharge.
J’ai donc calculé cette puissance moyenne.
En décharge, c’est simple : il suffit de se rendre sur mon outil de calcul de l’autonomie et de calculer la puissance moyenne consommée en usage combiné réel.
Résultat : notre moto tirera en moyenne 3,17 kW de puissance sur notre batterie.
Quant à la recharge, ça demande de faire une hypothèse sur la proportion de recharges à domiciles qu’on fera (2,2 kW sur prise domestique, 3,4 ou 7,4 kW sur Wall Box) ainsi que celle de recharges plus rapides en extérieur (jusqu’à 43 kW).
Au doigt mouillé, je dirais qu’une écrasante majorité des recharges se fera en charge lente sur prise domestique. Mais mettons-nous dans un cas sévère et disons qu’en moyenne, la puissance de recharge sera de 7,4 kW (il faudra donc un Wall Box).
Quand on fusionne la puissance de charge et de décharge, on a donc un résultat de 5,3 kW.
La suite, c’est de faire un calcul simple : on veut utiliser 4 modules de Renault Zoé de capacité 3,78 kWh chacun. Soit une capacité totale de 15,11 kWh lors de leur sortie d’usine.
Ce qui veut dire que les modules qu’on va utiliser sont capables lors de leur prime jeunesse de tenir 2 heures et 51 minutes avec une puissance moyenne de 5,3 kW (15,11 kWh / 5,3 kW = 2,85 heures = 2h51).
Dans le jargon, on dit que 5,3 kW de puissance correspondent à C/2,85 pour la batterie de la Zoé.
Car ça veut dire qu’on fait fonctionner la batterie à sa pleine capacité divisée par 2,85.
(D’où le “C” divisé ou multiplié par quelque chose, que vous avez peut-être déjà vu passer sur les sites spécialisés.)
La puissance d’utilisation moyenne de la batterie est donc égale à C/2,85. Et par chance, l’outil de calcul du vieillissement des cellules de la Renault Zoé prévoit les résultats pour 3 puissances d’utilisation, dont une à C/2,64.
J’ai donc opté pour celle-là.
Le troisième, c’est la profondeur de décharge moyenne
Cette valeur consiste à observer de combien on décharge la batterie de notre moto avant de la rebrancher. Car les auteurs de l’étude ont remarqué que moins on attendait avant de recharger la batterie, plus longtemps elle tenait.
C’est-à-dire que si on prend l’habitude de recharger notre moto tous les soirs (si on a accès à une prise, évidemment), on épargne notre batterie et elle se détériore moins rapidement.
Et quand on sait que quand une batterie se détériore elle perd en autonomie, on a bien envie de l’épargner.
C’est pour cette raison que je pars sur une hypothèse optimiste cette fois.
C’est qu’en moyenne, on branchera notre moto après 40% de profondeur de décharge. On parle ici d’une moyenne, donc on ne craindra pas les longues distances de temps à autre sans recharger.
Mais on on branchera notre batterie rarement en dessous de 60%.
Voilà donc pour les 3 paramètres :
Notre moto fonctionnera sous une température moyenne de 25°C ;
Sa batterie sera utilisée à 1/2,64 de sa capacité en moyenne, ;
Et elle se videra en moyenne de 40% avant chaque recharge.
Si on respecte ces 3 paramètres, voilà la courbe de vieillissement de la batterie de la Zoé au fil du temps :
Ce qu’il est important de regarder ici, c’est l’évolution de la courbe en-dessous de 70% de capacité.
Et ce qu’on observe ne peut que nous rassurer :
Elle a besoin de 600 cycles complets de charge/décharge pour passer de 70% à 65% de capacité. Ça représente grossièrement 90 000 km d’utilisation (150 km d’autonomie x 600 cycles).
Et 600 nouveaux cycles complets de charge/décharge sont nécessaires pour passer de 65% à 60% de capacité. Soit quelques 80 000 km supplémentaires (car l’autonomie aura nécessairement baissé par rapport).
Autrement dit, la batterie de la Zoé a devant elle une très belle seconde vie.
Avec 170 000 km de durée de vie entre 70 et 60%, on ne peut en effet que constater que la réutilisation de la batterie de la Zoé est une solution parfaitement viable. Et je me demande comment on a fait pour mettre autant de temps à s’en rendre compte.
Le vieillissement est maîtrisé, et ensuite ?
Cette vérification étant faite, ce n’est hélas pas la dernière.
Car le problème de la réutilisation des batteries de Zoé en fin de première vie, c’est qu’elles arriveront toutes chez nous avec un état de vieillissement différent.
Si leur durée de vie n’est plus un problème, le prochain problème qui va se présenter est donc celui de la maîtrise de l’état de santé des batteries que nous recevront.
Nous devrons établir une collaboration avec l’INDRA (qui sont enthousiastes) pour trier les batteries en fonction de ce qu’il est possible de faire, et de nos critères de capacité restante.
Par exemple, j’ai fait ici l’hypothèse que les batteries arrivaient avec 70% de capacité restante.
Mais est-ce que ça sera bien le cas ?
Et puis je n’ai pour l’instant pas encore calculé précisément la capacité utile correspondant aux diverses capacités restantes.
La deuxième question est donc de savoir en-dessous de quelle capacité on considèrera que la batterie de la Zoé arrivera en fin de vie sur notre moto. Est-ce que ça sera à 60% ? Ou à 62 % ? Ou à 65 % ?
C’est ce que je vais voir la semaine prochaine.
Et je vous en dirai un peu plus dans le prochain rapport hebdomadaire.
D’ici là, je vous souhaite un bon dimanche !
Julien
P.S. : Je ne vous ai pas envoyé d’e-mail sur le sujet car je considère que vous en savez bien assez sur les terres rares, mais j’ai écrit un article récapitulatif des enjeux des terres rares. Vous pouvez le lire en cliquant ici.
Mesures perso :
Zoé 22 : SOH mesuré à 97% après 56 000km et 4 ans. Pratiquement que des charges à 13A mono et dormait dans un garage.
Zoé 40 : SOH mesuré a 92% après 49000km et 4 ans. A eu beaucoup plus de charge en 28A/tri, et a toujours dormi dehors.
Une chose importante non indiquée dans cette étude : l'impact du temps (années) sur la degradation de la chimie...
Bonjour Julien,
"C’est qu’en moyenne, on branchera notre moto après 40% de profondeur de décharge."
40 % sur 150 km d'autonomie, ça fait 60 km... C'est vraiment pas beaucoup...