Notre moto économise 89% de CO2
Et je ne vois pas comment on pourrait faire mieux
Temps de lecture : 12 minutes.
Ce rapport hebdomadaire est destiné aux 184 pionniers.
Salut à tous,
Vous le savez, cette rentrée universitaire est l’impulsion d’un nouveau cycle.
Nous avons déménagé dans de nouveaux locaux, notre preuve de concept roulera bientôt, et nous allons pouvoir enfin nous projeter sur la fabrication du prototype industriel — qui sera la suite logique de notre preuve de concept.
Mais comme pour tout début de cycle, la première action à mener consiste à bien établir les étapes qui vont le constituer.
C’est ce que nous avons commencé à faire il y a quelques semaines.
Ça nous a permis de dresser un premier calendrier grossier de ce qui nous attend sur l’année 2022-2023. Et nous avons profité du dernier rassemblement du Club des Pionniers pour en discuter.
Sauf que quand on a l’outrecuidance de vouloir tutoyer Tesla, un calendrier grossier ne suffit pas. Il faut l’affiner très sérieusement afin de dimensionner aux petits oignons l’année qui vient, afin de ne pas reproduire les erreurs de l’année 2021-2022.
Vous savez de quoi je veux parler.
À la rentrée dernière, je pensais que la preuve de concept serait finie en mars 2022. Puis j’ai décalé l’échéance à juillet 2022. Et j’ai encore dû décaler l’échéance à décembre 2022. Soit 9 mois de retard sur mon calendrier initial.
Il y a mille explications à ce retard.
Mais la plus importante, c’est que je n’ai pas assez bien prévu les étapes qui se dressaient sur mon chemin.
C’est donc ce sur quoi je suis en train de travailler en ce moment.
Et puisque je veux bien faire les choses, tout y passe.
Je sonde le marché pour savoir combien coûte une équipe d’ingénieurs, je discute avec des industriels pour leur extorquer quelques informations précieuses sur le chemin à suivre, et j’étudie toutes les subventions auxquelles nous avons droit.
Pour ça, je dois donc m’adresser à de nombreux interlocuteurs.
Et comme ils n’ont pour la plupart jamais entendu parler de nous, je dois répéter inlassablement le même discours sur ce qu’on souhaite apporter au marché de la mobilité.
Dans ce discours, vous l’imaginez, je parle beaucoup d’impact environnemental.
Mais à chaque fois, je butte sur un chiffre : je suis incapable de donner précisément un chiffre sur la réduction de l’impact environnemental que notre moto électrique permet.
Je dis donc une fourchette un peu vague, afin de ne pas trop dire de bêtises.
Le problème, c’est que cette fourchette vague ne me convient pas. J’aimerais être en capacité de donner un chiffre précis, afin de faire sensation mais sans tricher.
Or si je veux en donner un, je dois faire une analyse de cycle de vie très rigoureuse. Ce que je n’ai aujourd’hui pas le temps de produire, puisque c’est une science rigoureuse qui demande de ne laisser aucun angle mort.
Alors cette semaine, je me suis creusé la tête.
Mon but : trouver un chiffre simple à calculer et à démontrer — qui donnerait une idée à la fois vraie et saisissante de la pertinence écologique de notre moto électrique.
Et comme vous l’imaginez, j’ai fini par trouver.
Les chiffres ont parlé : l’économie est non-négligeable
La grande idée de notre moto électrique, c’est essentiellement que nous allons utiliser des modules de batterie en fin de première vie — jusqu’à présent, ceux de la Renault Zoé.
Si je dis que c’est une grande idée, c’est à 2 titres :
Malgré le vieillissement des modules de Renault Zoé après leur première vie, ils conservent une densité énergétique plus qu’admirable.
Et en même temps, leur utilisation permet à la batterie de notre moto électrique de ne consommer strictement aucune ressource minérale supplémentaire, et de réduire à néant l’impact de leur production. Car ils sont déjà produits.
C’est justement sur ce deuxième point que j’aimerais revenir aujourd’hui.
Car ça a bien assez été documenté dans la littérature scientifique, la production des batteries compte pour environ la moitié des émissions de gaz à effet de serre produites au cours de la fabrication des véhicules électriques.
C’est gigantesque.
Et si on réduit ce chiffre à zéro, on réduit mécaniquement d’au moins 50% les émissions de gaz à effet de serre des véhicules électriques.
Mais cet ordre de grandeur ne me suffit pas.
Il est trop approximatif, et il me semble qu’il occulte une autre grande idée que nous défendons : c’est que la moto électrique pourrait être un moyen de transport beaucoup plus massivement utilisé qu’aujourd’hui.
Nous en avions déjà parlé il y a quelques mois dans un rapport hebdomadaire — ce rapport faisait le constat que nous ne pouvions pas remplacer les 38 millions de voitures thermiques françaises par 38 millions de voitures électriques équivalentes.
Nous ne le pouvons pas, car ça demanderait trop de ressources en même temps que ça serait la cause d’une quantité astronomique de gaz à effet de serre.
La solution que nous proposons est donc simple : il faut remplacer une partie non-négligeable de voitures thermiques par des motos électriques.
C’est en me souvenant de cette solution que j’ai eu une idée.
Cette idée, c’est qu’on ne doit pas comparer les émissions de gaz à effet de serre économisées par notre moto électrique avec d’autres motos (électriques ou thermiques).
On doit les comparer avec les véhicules qui dominent le marché : les voitures électriques.
Car ce faisant, on se rappelle que la moto électrique n’est pas une niche à part. C’est une solution de mobilité qui s’intègre dans un mix mobilitaire global et qui à ce titre, est en de nombreux points extrêmement pertinente.
C’est donc ce que j’ai fait.
J’ai comparé les émissions de la moto électrique que nous concevons sur toute sa durée de vie avec celles d’une voiture électrique.
Et pour être tout à fait cohérent, c’est la Renault Zoé qui a fait office de mètre étalon.
Alors voilà les informations que je suis allé chercher :
J’ai commencé par me concentrer sur un modèle en particulier de Renault Zoé, qui est celui dont la batterie a une capacité de 42 kWh. La raison est simple : c’est de cette batterie dont nous tirerons les modules qui équiperont notre moto.
Ensuite, j’ai voulu connaître la consommation de la Renault Zoé. D’après ce que j’ai pu trouver dans les témoignages de propriétaires, elle est d’environ 15 kWh pour 100 km roulés.
Puis je me suis enquis du taux d’occupation moyen des voitures. Il est de 1,43. C’est-à-dire qu’en moyenne, on trouve 1,43 usager par voiture. Et rappelons-nous qu’une voiture, c’est d’abord un moyen de transport, dont l’objectif est de transporter des gens. On doit donc la juger sur ça aussi.
Ce qui veut dire que la consommation moyenne par passager d’une Renault Zoé est d’environ 10,49 kWh/100 km (car 15/1,43).
Enfin, je me suis enquis de la durée de vie qu’on peut espérer d’une Renault Zoé avant qu’elle ne soit considérée comme finie. Et d’après ce que j’ai pu trouver, une Zoé est capable de rouler 200 000 km, guère plus.
À partir de ces chiffres et de quelques hypothèses supplémentaires (que j’ai mises à la fin de ce rapport), je peux alors estimer la quantité moyenne de gaz à effet de serre émise sur la durée de vie d’une Renault Zoé : 4,01 kgCO2eq/100 km par usager.
La suite a été de procéder aux mêmes calculs pour notre moto électrique.
J’ai donc rassemblé les mêmes informations :
Notre moto consomme environ 6,53 kWh/100 km (car 9,8 kWh de capacité pour 150 km d’autonomie en usage combiné réel).
Un taux d’occupation moyen de 1,1, soit une consommation par usager de 5,94 kWh/100 km.
Et une durée de vie de 100 000 km.
Si bien qu’à la fin, sur la durée de vie de notre moto, nous obtenons un chiffre 5,3 fois inférieur à celui de la Renault Zoé. Puisque tous les 100 km, les émissions de gaz à effet de serre dont notre moto sera coupables par usager seront de 0,76 kgCO2eq.
Ou dit autrement, l’utilisation d’une moto électrique représente une économie de 80% d’émissions de gaz à effet de serre.
80%, c’est gigantesque.
Et c’est pratique, puisque c’est assez rond.
Nous pourrons donc le retenir sans trop forcer, afin de pousser un peu plus qu’aujourd’hui la moto électrique dans le débat public sur la décarbonation de la mobilité.
Car je vous le rappelle, je parle ici des réduction de gaz à effet de serre de notre moto électrique en comparaison avec une voiture électrique.
Or la voiture électrique étant elle-même 40% moins émettrice qu’une voiture thermique, on peut conclure que notre moto électrique permet d’économiser 89% de gaz à effet de serre en comparaison avec une voiture thermique.
Notre argumentaire prend forme
Je n’aurais pas cru en arriver à un tel plébiscite.
Mais voilà, il faut s’y faire : la moto électrique que nous sommes en train de concevoir est une solution extrêmement efficace de réduction de l’impact climatique de la mobilité individuelle.
C’est ainsi.
Il ne restera plus qu’à finir la preuve de concept, et nous tiendrons ici un argumentaire extrêmement convaincant sur la pertinence de la moto que nous aurons conçus, tous ensemble.
Rendez vous compte :
elle n’aura pas à rougir de ses performances,
son prix sera largement contenu grâce au faible coût de ses batteries,
et elle permettra une réduction de 80% à 89% des émissions de gaz à effet de serre.
Son seul défaut, nous le connaissons déjà, sera son poids.
Mais à chaque jour suffit sa peine. Nous aurons largement le temps de travailler sur son poids, quand nous concevrons notre prototype industriel.
D’ici là, il me semble qu’on peut se réjouir de la pertinence du chemin qu’on est en train de prendre.
Car vraiment, je ne vois pas comment on pourrait faire mieux que ce qu’on fait.
Bon dimanche,
Julien
P.S. : quelques précisions sur mes hypothèses de calcul.
La production de la batterie de de la Zoé compte pour moitié des émissions de gaz à effet de serre de la production de la voiture. Ce qui veut dire que le reste de la Zoé compte pour 3150 kgCO2eq (75 kgCO2eq/kWh de batterie produite).
La production de tout ce qui ne tient pas de la batterie de notre moto (donc partie cycle + moteur) au prorata de son poids, sur la base du résultat de la Zoé. Donc environ 270 kgCO2eq (en admettant que notre moto pèsera 180 kg).
Et la consommation d’électricité en France est coupable de 0,082 kgCO2eq/kWh.